La Danse au Dames

Publié le par mistisy

Le chemin reliant autrefois Langon et Saint-Ganton à Guipry traversait les landes de Baharon (aujourd'hui déformé en Bâron). Arrivé à l'étang du même nom, il empruntait la digue et, de là, par un tracé sinueux qui l'amenait à passer au pied de la motte féodale, il gagnait les villages de la Beaucelais et de Mâlon. C'était un chemin très passager, surtout les jours de foire. De petites fées, tout de blanc vêtues, avaient élu domicile dans les ruines du vieux château et prêtaient beaucoup d'attention aux passants. Elles se rassemblaient le soir au sommet de la motte et, tout en chantant "nous danserons dimanche, dimanche, nous danserons dimanche", elles tourbillonnaient dans des rondes endiablées qui donnaient le tournis aux grands arbres de la butte. Le voyageur attardé, rentrant de la foire de Guémené ou de Redon et pressant le pas en direction de Mâlon qu'il espérait atteindre avant que la barque du passeur n'effectue sa dernière traversée de la journée était souvent surpris en entendant ces voix si douces, si attirantes, l'inviter à la danse et à la rêverie. C'était un pur enchantement.

 

Tant pis pour lui s'il se laissait séduire ! Les fées l'entraînaient alors dans leurs danses effrénées d'où il ne pouvait s'échapper que lorsqu'un autre imprudent, tombé à son tour sous le charme de ces créatures envoûtantes, prenait sa place dans la sarabande. On croit même que des voyageurs ont été tellement fascinés qu'ils n'ont jamais réapparu.

 

Il arrivait qu'un paysan plus sage résiste au pouvoir de séduction des fées et passe résolument son chemin sans prêter attention aux voix enjôleuses. Soudain il constatait que la corde qu'il tenait dans sa main n'attachait plus la bête achetée à la foire. Il n'y avait plus rien au bout de la corde, ou alors autre chose : un chien, un bouc... Notre paysan alors de s'affoler, d'appeler sa bête dans toutes les directions, de courir de droite, de gauche et finalement de se perdre au milieu des halliers... où il finissait par s'endormir, exténué. Au petit jour il se réveillait parmi les fougères et les bruyères, s'étirant comme quelqu'un qui a bien dormi. La bête achetée la veille reposait à quelques pas de lui, bien calme, en train de paître ou de brouter, comme si rien ne s'était passé.

 

Une autre fois, une fée mutine accostait un voyageur et faisait un brin de causette avec lui le long du chemin qui le ramenait à sa chaumière. C'est ce qui est arrivé un soir à un vieux gâs de la Beaucelais. Il rentrait de la foire où il était allé baguenauder, suivre les prix et se distraire avec les amis. Il cheminait tranquillement, repensant à la belle journée qu'il venait de vivre. C'est alors qu'à hauteur de la motte une gracieuse personne - une fée - est soudain apparue ; elle s'est mise à trotter près de lui et à deviser joyeusement jusqu à la maisonnette de notre célibataire. Arrivé à la porte, notre homme l'a invitée à entrer boire un "flip" (une boisson chaude composée de cidre, d'eau-de-vie de marc et de sucre). "C'est une boisson corsée, se disait-il, qui va lui tourner la tête". La Demoiselle a accepté et s'est assise à la table de son hôte, tandis que le gâs s'en allait chercher dans son cellier son meilleur cidre pour préparer son "flip". A son retour, la belle avait disparu …

 

Les tours pendables joués par les fées ne se comptent plus. Mais on leur pardonne volontiers. Elles étaient si jolies, surtout lorsqu'elles dansaient le soir au sommet de la motte. Nombreux les voyageurs qui se sont arrêtés pour les contempler, ravis. Dans leurs longues robes blanches, elles rappelaient les grandes dames de l'ancienne cour seigneuriale de Baharon. C'est du reste en souvenir d'elles que le lieu a été baptisé "la Danse aux Dames".

Publié dans => contes de bretagne

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