Le Moulin à Vent de Baharon
Sur la butte de Baharon, au nord de l'étang du même nom, existe un moulin à vent en ruine. Si beaucoup de gens connaissent le moulin situé près de la digue (sa roue se met encore à tourner de temps en temps pour le plaisir des yeux), bien peu songent à emprunter le chemin sinueux qui conduit à la motte féodale, et qui, de là, s'enfonce sous les pins, les chênes et les châtaigniers (ils accompagnent de leur ombrage les pas des promeneurs) jusqu'au vieux moulin à vent. Il fonctionnait en alternance avec le moulin à eau. Lorsque l'étang avait fait son plein, la grande roue du moulin tournait et le meunier travaillait. Si le vent soufflait, les ailes du moulin de la butte prenaient la relève et le meunier travaillait toujours.
Un soir d'octobre, il y a très longtemps, le meunier était occupé à ensacher ses farines à la lueur d'un falot. Il était très tard. Les ailes du moulin tournaient toujours.
Et il le fallait : la récolte avait été bonne cette année-là. Las ! les maigres réserves d'eau de l'étang n'avaient pas permis à la grande roue de tourner. Quant au vent, jusqu'à ces derniers jours il n'avait pas trouvé la force d'actionner les ailes du moulin de la butte. Il fallait donc mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu.
Et notre meunier s'y employait bravement.
Il était tellement accaparé par son travail qu'il n'entendit même pas la porte d'entrée s'entrebâiller: - Presse-toi de moudre. Dans trois jours ton moulin sera détruit, lui cria un homme âgé tout habillé de noir, aux cheveux et à la barbe hirsutes.
Le meunier fut surpris en voyant l'inconnu qui venait de l'apostropher.
- Que dites-vous ? C'est tout ce qu'il put prononcer. Déjà la porte se refermait, et l'homme mystérieux s'enfonçait dans la nuit. Était-ce le diable ? Était-ce un sorcier ?
Le lendemain, pensant à ces événements de la veille, le meunier se demandait s'il n'avait pas rêvé ou déliré.
Il lui fallut pourtant se rendre à l'évidence trois jours plus tard, en effet, au cours de la nuit une violente tempête se leva. La toiture du moulin fut emportée, ses ailes brisées... C'est ainsi que depuis ce temps il n'y a plus aucune mouture de blé sur la butte de Baharon.