le jour où la mort est nèe

Publié le par mistisy

Mes très chers amis, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je vous souhaite le bonsoir.

 

 

 

L’histoire que je vais vous raconter ce soir s’est passée il y a très... très... très... longtemps non loin du petit bourg de Brigneau dans notre très cher Pays de Cornouaille.

 

 

 

C’était..., c’était... il y a si longtemps, que ce petit village de pêcheurs n’existait pas encore.

 

 

 

C’était..., c’était... il y a si longtemps, que les marais et la lande recouvraient encore toute cette région et l’enveloppaient quasi constamment d’une épaisse brume et d’une odeur marécageuse.

 

 

 

C’était..., c’était... il y a si longtemps, que les elfes, les fées et les magiciens se réunissaient sur la lande les soirs de pleine lune pour veiller au respect de la beauté et de l’harmonie de notre mère nature.

 

 

 

C’était..., c’était... il y a si longtemps, que les korrigans étaient les uniques dépositaires du monde. Mais, ils étaient si nombreux qu’ils avaient fini par se regrouper en fonction de leurs raisons de vivre.

 

 

 

Il y avait..., il y avait... les Harper Noz, les musiciens de la nuit, qui jouaient de la harpe sur les toiles tissées par les araignées des marais afin d’y attirer les libellules du prince des ténèbres.

 

 

 

Il y avait..., il y avait... les Poulpikans, que l’on pouvait rencontrer si l’on osait s’aventurer au fin fond des marais.

 

 

 

Il y avait..., il y avait... les Skeudigs, qui vivaient en communion avec les animaux sauvages et veillaient au respect de l’équilibre naturel.

 

 

 

Il y avait..., il y avait enfin ... les Tud Gommon qui sont les gardiens des côtes et des rivages et qui jouent des airs de flûte en soufflant dans les tiges des roseaux.

 

 

 

Et plus tard, bien d’autres encore vinrent dans chaque recoin de ce monde, mais ceci..., ceci est une autre histoire qui eu lieu bien plus tard, car notre histoire avait débuté au commencement du temps.

 

 

 

C’était..., c’était enfin il y a si longtemps, que l’humanité n’en était qu’au tout début de son existence. Si bien que, hormis les elfes, les fées, les korrigans et les magiciens, il n’y avait sur notre terre à cette époque que des enfants de moins de douze ans.

 

 

 

L’humanité n’avait que douze ans d’existence. Elle était née par erreur d’une formule prononcée par le magicien suprême alors qu’ils tentait de faire pousser des roses au milieu des choux. Quelle ne fut pas sa surprise à la fin de son incantation de voir sortir des garçons des choux et des filles des roses, mais ceci..., ceci aussi est une autre histoire que je vous raconterai sans doute plus longuement un autre soir.

 

 

 

Car ce soir, ce soir, j’ai envie de vous parler d’un jeune garçon pris parmi ces enfants du premier jour. Car voyez-vous !, Au milieu de tous ces bambins, il y avait un dénommé, et... bien nommé, Yaouen Le Malin.

 

 

 

Oh ! Ne croyez pas que Yaouen pensait à faire le mal à longueur de journée du haut de ces douze ans. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire ! Non ! Bien sûr que non ! Mais par contre !, Yaouen était si futé, que les magiciens se demandaient s’il ne deviendrait pas un jour le premier des rois de Cornouaille.

 

 

 

Seulement voilà, on a beau être rusé et intelligent, la vie vous réserve parfois de drôles de tours. Si bien que, aussi bizarrement que cela puisse paraître, Fanch devint le meilleur ami de Yaouen. Fanch l’Innocent, de son nom complet. Et autant vous le dire tout de suite, lui aussi il portait bien son nom.

 

 

 

Fanch avait le regard perdu entre ses deux oreilles et sa longue tignasse rousse. Assurément, les tâches de rousseur qui transpiraient sur sa peau avaient du laisser s’échapper de sa tête toute forme d’intelligence. Aussi, il ne subsistait qu’une tête vide où même le vent n’osait s’aventurer de peur d’y rester prisonnier. La fée Viviane m’avait contée un soir que c’est la lune qui avait pris possession de l’esprit de Fanch. Mais elle le fit une nuit de nouvelle lune si bien que l’esprit de Fanch n’en fut plus jamais éclairé et demeura à tout jamais dans l’ombre de la lune noire.

 

 

 

Mais ce soir, ce soir qui nous intéresse, la lune est belle, la lune est ronde, la lune est blonde, la lune éclaire la lande de sa douce pâleur illuminante.

 

 

 

Yaouen et Fanch avaient passé la nuit chez les Poulpikans dans les marais, les lutins avaient joué de la musique et nos deux amis avaient dansé et chanté avec les petits farfadets jusqu’au bout de la nuit... ou presque.

 

 

 

Car quand ils décidèrent, enfin..., quand Yaouen décida car Fanch n’a jamais été capable de décider quoi que ce soit. Quand Yaouen décida, disais-je, de rentrer dans leur cabane en bois de la forêt des charmeuses, la nuit n’avait pas encore quitté le monde des vivants. La lune n’avait pas encore cédé sa place au soleil.

 

 

 

 

 

 

 

-« Restez avec nous ! » leur disaient les korigans, « La nuit n’est pas finie, vous pourriez faire des mauvaises rencontres ! »

 

 

 

-« Des mauvaises rencontres ? » Avait répondu Yaouen, « Quelles mauvaises rencontres voulez-vous que nous fassions ! Il n’y a en ce monde que des enfants, des fées, des magiciens et vous même ! Qui voulez-vous que nous rencontrions d’autre ? »

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-«Oublierais-tu l’Ankou, mon cher Yaouen ? Car le jour où le magicien suprême vous a créés, il a aussi créé la mort par la même occasion ! » avait répondu le plus grand des Poulpikans du haut de ses trente-deux centimètres.

 

 

 

-« L’Ankou ! Pffff ! Ce n’est qu’une légende destinée à faire peur aux tout-petits ! Moi je le sais bien qu’il n’existe pas votre Ankou ! D’ailleurs, depuis que je suis né je n’ai jamais vu quelqu’un mourir ! Alors dites-moi ! Où est-il cet Ankou ? Que fait-il de ses jours et de ses nuits ? »

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-« L’Ankou existe Yaouen ! Il attend son heure ! Mais un jour viendra où il frappera de sa faux ! Et alors il n’aura de cesse de traquer les humains jusqu’au dernier de ses représentants ! » Avait répondu le Poulpikan.

 

 

 

-« Balivernes que tout cela ! Si votre Ankou se montre un jour ! Je saurais bien lui jouer un tour à ma façon ! Nul n’est plus malin que Yaouen dans le monde entier ! C’est bien connu !»

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-« Tu ne devrais pas défier l’Ankou, même nous qui sommes immortels, nous l’évitons par peur de son immense pouvoir ! » Avait répondu le Poulpikan en se recroquevillant sur lui-même.

 

 

 

-« Eh bien ! Vous êtes bien sots d’avoir peur d’une légende pour marmots ! »

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-« Comme tu veux Yaouen ! Mais... comme tu es notre ami, je vais te donner une flûte enchantée ! Quand tu croiseras un jour l’Ankou !, Car tu le croiseras ! Tu peux en être sûr ! Souffles dedans ! Joues des trois notes de musique ! Alors, l’air de la flûte te transportera sur un nuage jusqu'à nous et tu seras sauvé ! Mais attention ! N’oublies pas de souffler avant que l’Ankou ne te touche avec sa faux car s’il te touche, c’est lui qui t’emportera à tout jamais ! » lui dit le Poulpikan en glissant une petite flûte à trois trous dans la ceinture de la tunique de Yaouen.

 

 

 

-« Ah ! ah !ah !ah !ah ! Si on m’avait dit un jour que les Poulpikans étaient des peureux ! Ils vont bien rigoler mes amis quand je leur raconterai cela !» Avait répondu Yaouen.

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

 

 

 

 

Mais Yaouen savait aussi qu’il valait mieux ne pas trop contrarier les korrigans, alors, il garda précieusement la petite flûte. Durant la route, il conserva sa main droite sur la précieuse flûte tout en avançant .

 

 

 

Sur le chemin boueux et caillouteux qui traversait le marais de Poulfreuzic, une brume épaisse tomba en l’espace d’un instant. Soudain !, Venant du bout du chemin, face à Yaouen et à Fanch, un bruit se fit entendre. Un bruit strident !, Comme le crissement d’une route de charrette. Yaouen avait déjà vu une charrette une fois, lors de son huitième anniversaire, c’était l’objet qui servait au magicien Tugdual pour transporter ses affaires.

 

 

 

 

 

 

 

-« Tiens ! On dirait que nous allons rencontrer ce bon vieux Tugdual mon cher Fanch ! » Avait dit Yaouen à son ami.

 

 

 

-« Tu as raison Yaouen ! Tu as raison Yaouen ! » avait dit Fanch qui décidément manquait singulièrement de conversation.

 

 

 

 

 

 

 

Mais au fur et à mesure que le bruit augmentait, une ombre commençait à se dessiner dans la brume, une ombre de moins en moins rassurante. Arrivé à moins de cinq mètres du mystérieux voyageur Yaouen s’arrêta, Fanch aussi bien sûr mais cinquante centimètres plus loin, emporté par son élan.

 

 

 

Le voyageur portait une longue toge noire et un chapeau à larges bords de la même couleur. Yaouen ne distinguait guère les traits de son visage, seul un long râle qui sortait de sa bouche. L’individu semblait manifestement fatigué et ce, bien que sa charrette était entièrement vide.

 

 

 

Il tenait les rênes de son cheval d’une main et un objet que Yaouen n’avait jusqu’alors jamais vu de l’autre. Un long manche en bois qui se terminait par un objet incurvé en métal.

 

 

 

 

 

 

 

-« Bonsoir ! Vous êtes sûrement un comparse de Tugdual le magicien ! » Lança Yaouen.

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch bien que Yaouen ne s’intéressait plus à sa conversation depuis déjà de longues années.

 

 

 

-« Bonsoir jeunes hommes ! Vous ne pouvez pas savoir comme cela me fait plaisir de vous rencontrer ! Je vous cherchais ! »

 

 

 

-« Je ne sais pas si cela fait longtemps que vous nous cherchez, mais en tout cas vous avez fini par nous trouver ! »

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-« Cela fait douze ans ! Douze longues années que je désespère de vous rencontrer enfin ! Mais ! Tout vient à point à qui sait attendre, n’est-ce pas ? »

 

 

 

-« Douze ans ? » Avait dit Yaouen, « Mais alors vous êtes... l’Ankou ! »

 

 

 

-« Il a raison Yaouen ! Il a raison Yaouen ! » avait dit Fanch.

 

 

 

-« Comme le dit si bien ton ami, tu as raison Yaouen ! » répondit l’Ankou en brandissant bien haut sa faux au dessus de sa tête.

 

 

 

 

 

 

 

La faux s’abattit soudain et vint trancher le pauvre Fanch en deux. Yaouen, légèrement en retrait, senti le souffle du couperet sur sa poitrine. Comme l’Ankou brandissait de nouveau sa faux pour le frapper, Yaouen porta à ses lèvres la flûte du korrigan qu’il n’avait toujours pas quittée de la main. Il souffla les trois notes et s’envola sous le regard rageur de l’Ankou. Ce dernier se saisit de l’âme de Fanch et la jeta violemment dans sa charrette avant de reprendre sa route.

 

 

 

Mais cette nuit là mesdames, messieurs, cette nuit-là, la mort était née. Elle venait de frapper pour la première fois et depuis lors, chaque nuit on entend le crissement de la charrette de l’Ankou qui vient chercher les âmes des condamnés.

 

 

 

Et puis, de temps en temps, si vous tendez l’oreille au cœur de la nuit, vous aurez l’impression d’entendre trois petites notes de musique. C’est le son de la flûte de Yaouen qui retentit sur la lande à chaque fois que le seul immortel parmi les humains croise à nouveau la route de l’Ankou. Car depuis l’origine de la mort, Yaouen réussit à lui échapper grâce au cadeau du Poulpikan.

 

 

 

Comment ? Pardon ? Mais pourquoi souriez-vous ? Vous doutez de cette histoire ! Je vous trouve bien insolents ! Vous voulez une preuve ! Oh ! Mais rien de plus facile ! Il vous suffit de regarder ma signature ! Car je m’appelle ...

 

 

 

 

 

 

 

            ...Yaouen, Le Malin.

 

Publié dans => contes de bretagne

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