Randumel

Publié le par mistisy

Entre la Pironnaie et la Buchère il y avait naguère un village du nom de Randumel. Il avait été fondé au moment de l'arrivée des Bretons dans le pays. Un certain Turmaël s'était vu attribuer un ran, c'est-à-dire une parcelle de terre, et y avait bâti sa maison. Cependant ce village ne connut jamais le développement que d'autres hameaux bretons connurent à l'époque.

 

On dit que la terre n'était pas riche et qu'il était difficile d'y faire vivre une famille. Les paysans s'en rendaient bien compte. Les récoltes n'avaient que peu de rendement. Mais ce qui les chagrinait surtout, c'était d'entendre le sol résonner sous leurs pas. Sans doute le diable habitait-il au-dessous. Ils n'avaient qu'une crainte quand ils labouraient : que la terre s'entrouvre et que disparaisse leur attelage de bœufs.

 

Il n'en fallut pas plus pour accélérer la disparition du village. Les familles de paysans le quittèrent les unes après les autres. Seules deux vieilles filles décidèrent d'y demeurer jusqu'à la fin de leurs jours. Mais à leur mort les deux habitations furent abandonnées.

 

Quelle aubaine pour les petites fées qui hantaient la région ! Elles purent ainsi se loger dans de bonnes conditions et échapper aux tracasseries des gens des environs qui ne les aimaient guère. Elles aspiraient à la tranquillité.

 

De temps à autre pourtant il arrivait qu'un importun vînt les déranger. L'homme passant par là était très étonné de voir ces maisons aux abords envahis de ronces. Il s'approchait et essayait d'ouvrir la porte. Comme elle était solidement fermée, il se risquait à jeter un coup d'œil par le trou de la serrure pour voir ce qui se passait à l'intérieur. Mais c'est là que les fées l'attendaient. Quand elles voyaient l'œil rond de l'intrus collé au trou de la serrure, elles lui envoyaient une bouffée d'air si froid que ce dernier reculait surpris et se sauvait sans demander son reste en frottant son oeil rougi et sa paupière boursouflée sous l'effet de cette froidure soudaine. C'est ainsi que les petites fées punissaient les gens curieux. Malgré leurs efforts elles ne réussirent pas à entretenir les maisons. Il y avait trop à faire. Un hiver où les tempêtes se succédaient sans répit, les toitures s'effondrèrent et les murs aussi. Les fées furent obligées de partir pour des cieux plus

 

hospitaliers.

 

Le village breton a alors sombré peu à peu dans l'oubli. Les pierres des masures ont été transportées ailleurs et ont servi à la construction de nouvelles habitations. Personne n'en parlerait sans doute plus, si certaines nuits les gens du pays n'avaient pas aperçu de grands cierges allumés serpenter à travers les landes de Randumel en direction des villages voisins. C'était, dit-on, les âmes des anciens habitants du lieu, qui erraient en cherchant désespérément les traces de leurs descendants.

 

Si jamais vous vous promenez dans la campagne à la recherche du village disparu, sachez que vous n'en trouverez plus aucun vestige. Cependant soyez prudent si le sol résonne sous vos pas. On ne sait jamais, la terre pourrait se dérober sous vos pieds.

Publié dans => contes de bretagne

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