Le Chariot de la Croix Gérard

Publié le par mistisy

Un soir d'hiver un homme marchait à grands pas vers le village de Brain. C'était un journalier qui s'en retournait du bourg, où il avait été occupé toute la journée à bêcher un courtil. Il avait hâte d'arriver chez lui. Il se faisait tard. Sans doute sa femme et ses enfants devaient-ils déjà s'inquiéter à son sujet, lui qui habituellement rentrait de son travail à la tombée de la nuit.

 

À cette époque le chemin reliant le Bourg à Brain était mal empierré.

 

Nombreuses étaient les ornières et le jardinier profitait des rares apparitions de la lune pour bien les repérer et les éviter. Il n'était plus très loin de la croix Gérard – une modeste croix de bois située sur le talus au bord du chemin - lorsqu'il entendit derrière lui, dans le lointain, le bruit d'un chariot qui se rapprochait très vite. Il distinguait parfaitement le crissement de ses roues métalliques sur les graviers.

 

Que pouvait bien faire un chariot à cette heure sur ce chemin ? C'est ce que se demandait l'homme qui se souvint alors d'avoir entendu dire par des gens du pays que certains soirs la Mort, à bord d'un chariot tiré par un cheval blanc, passait par là, et avec sa faux attrapait au passage tous ceux qu'elle rencontrait. Si jamais ce chariot était celui... de la Mort.

 

- Je ne veux pas qu'elle m'attrape se dit-il, soudain pris de peur. Malgré l'angoisse qui le serrait, il accéléra le pas. Sans se retourner, il se mit à courir.

 

- Pourvu que j'atteigne la croix avant le chariot se répétait-il.

 

Au moment où le chariot arrivait à sa hauteur, il fit un écart et sauta sur le talus.La croix était là, à côté de lui.

 

- Mon Dieu ! Protégez-moi ! cria-t-il. Il fut exaucé, car la Mort - un squelette recouvert d'un ample vêtement blanc, debout à l'avant du chariot - ne réussit pas à accrocher avec sa faux le pauvre journalier. Le sinistre attelage ne s'arrêta pas. Continuant sa course, il disparut rapidement dans la nuit.

 

Mais l'homme avait eu le temps de remarquer au passage que la Mort avait bien moissonné : plusieurs corps se trouvaient allongés sur le fond du chariot. Il comprit alors qu'il avait eu beaucoup de chance. Il resta quelque temps auprès de la croix, remercia Dieu de l'avoir épargné et rentra chez lui.

 

Le récit qu'il fit à sa femme et à ses enfants de ces événements les fit trembler d'effroi. Ils dormirent mal cette nuit-là et pendant plusieurs jours restèrent en état de choc.

 

Lorsque les habitants du pays connurent l'affaire, ils décidèrent d'accorder une attention particulière à la croix Gérard. Elle le méritait bien. Elle avait sauvé l'un des leurs.

 

Aussi, à chaque fois qu'une personne du pays décédait, tous ceux qui suivaient le convoi funéraire dans sa marche vers l'église, les parents comme les amis, déposaient une toute petite croix faite de brindilles de bois ou de tiges d'herbes au pied de la croix Gérard. C'était en remerciement de la protection qu'elle leur apportait.

Publié dans => contes de bretagne

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